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Projets

Thèse - La transmédialité du personnage. Presse et littérature, 1830-1940

Le projet de thèse consiste à interroger le réinvestissement des personnages de fiction dans la presse française du XIXe siècle. Il ne s'agit pas d'étudier les publications d'œuvres littéraires dans les journaux ou la condition sociale de l'écrivain-journaliste, deux domaines abondamment explorés par les études sur la "civilisation du journal", mais plutôt de comprendre comment et pourquoi certains personnages extraits de leurs œuvres matricielles respectives, anciennes ou contemporaines, infiltrent le discours journalistique tout au long du "siècle de la presse", que ce soit dans la titulature (Le Figaro et Gil Blas sont les exemples les plus connus d'une pratique largement répandue), dans l'orientation idéologique ou esthétique des journaux, dans leurs structures rédactionnelles ou même dans leur mise en page. En effet, de nombreux organes de presse se choisissent pour emblème un personnage connu et en convoquent tout l'univers fictionnel par des procédés d'écriture ou de représentation spécifiques afin de dynamiser l'espace et la temporalité du journal. En retour, ces déploiements de personnages dans la presse modifient leur image originelle : ils acquièrent une identité de journaliste dont il faut parfois expliciter la genèse en regard de l'œuvre-source au moyen d'une fiction journalistique. Si l'étude approfondie de cette transmédialité du personnage permet de mettre en lumière le fonctionnement sociodiscursif d'une certaine presse dont il s'agira de proposer une typologie et une chronologie, elle offre également matière à réflexion sur les mécanismes de l'imaginaire littéraire. La constitution d'un canon alternatif – fondé non sur les textes "classiques" étudiés à l'école, mais sur la productivité populaire de certains univers fictionnels – problématise le statut de l'instance "personnage" et celui de la fiction littéraire en général. En prenant pour point de départ ces Polichinelle, Monte-Cristo ou autres Gavroche à première vue anecdotiques, la thèse voudrait ainsi, en définitive, éprouver l'hypothèse d'un régime du personnage propre à l'ère médiatique, où celui-ci serait considéré comme une interface renouvelée entre société et littérature.

Les écrits journalistiques de George Sand

Durant toute sa vie, des premières fantaisies anonymes rédigées pour le Figaro (1831) aux dernières confessions à tonalité autobiographique (1876), George Sand a publié son oeuvre dans la presse, à l'instar de nombreux autres écrivains du XIXe siècle. Ses romans y paraissent en feuilleton, bien sûr, mais aussi des récits de voyage, des articles politiques, des critiques littéraires où elle négocie constamment entre sa volonté d'écriture et les contraintes du support. La plupart de ses articles ont ensuite été édités sous forme de recueils, de son vivant ou de façon posthume, mais selon des logiques de regroupement parfois arbitraires qui en ont modifié le sens et la portée. Leur réédition dans le cadre des Œuvres complètes (publiées chez Champion), assurée par une équipe de chercheurs de l'Université Paul-Valéry dirigée par Marie-Ève Thérenty, est l'occasion de les réévaluer à partir de leur destination première et de mettre au jour les règles médiatiques qui les régissent ; l'occasion aussi d'exhumer certains inédits et de suivre George Sand au quotidien de ses engagements, de ses enthousiasmes ou de ses déceptions. L'édition proprement dite est accompagnée par des travaux périphériques (articles, journées d'études, etc.), notamment des communications à la Maison française d'Oxford, à l'ENS Ulm, à la Bibliothèque nationale de France ainsi qu'une livraison de la revue Cahiers George Sand.

L'écriture de la presse francophone des années 1930

Depuis plusieurs années, un séminaire de recherche international dépouille et analyse la presse francophone des années 1930, à travers trois équipes : l'une française, conduite par Marie-Ève Thérenty (Université Paul-Valéry, Montpellier), la deuxième belge, conduite par Paul Aron (Université libre de Bruxelles), la troisième québécoise, conduite par Micheline Cambron (Université de Montréal), auxquelles se joints ponctuellement joints des chercheurs lausannois. Après la vaste entreprise menée sur les journaux du XIXe siècle dans La Civilisation du journal (2011), il s'agissait de pousser la réflexion plus en aval et de montrer que les interactions entre « matrice journalistique » et « matrice littéraire » de la presse ne s'arrêtaient pas avec la Grande Guerre, mais qu'elles se poursuivaient au-delà, conjointement à une pratique plus standardisée de l'écriture des dépêches par les agences de presse. Un autre enjeu consistait à évaluer la circulation des contenus et des formes d'écriture entre les pays, dans une décennie marquée par une modernisation des moyens de communication mais aussi par la montée des nationalismes. La recherche s'est d'abord organisée autour de deux événements emblématiques, dont le traitement a été étudié dans un premier temps dans chaque équipe nationale, puis dans un second temps par une confrontation des résultats entre les équipes : les Jeux olympiques de Berlin en 1936, dont l'étude a donné lieu à un numéro de la revue Belphégor [aller], puis le fait divers tragique de l'enlèvement du bébé de l'aviateur Charles Lindbergh et le procès du ravisseur et meurtrier présumé, qui ont fait l'objet d'un ouvrage de synthèse grand public (Faire sensation. De l’enlèvement du bébé Lindbergh au barnum médiatique, Agone, 2017, rédigé par Paul Aron et Yoan Vérilhac sous le pseudonyme collectif de Roy Pinker) et d'un numéro de la revue COnTEXTES à paraître en 2018. Un troisième volet est en cours sur l'étude transversale du « genre » ou du « mode » satirique dans les périodiques de cette époque. Jean Rime a rejoint l'équipe montpelliéraine au début des travaux sur l'affaire Lindbergh.

Une histoire médiatique de Tintin

Les Aventures de Tintin ont été réalisées d’abord dans, pour et avec la presse : formé en autodidacte à l’école des petits journaux scouts, Hergé crée en 1929 son célèbre personnage au sein du Vingtième Siècle, un quotidien « de doctrine et d’information » dont il anime, en employé polyvalent, le supplément hebdomadaire pour la jeunesse nouvellement créé. Le « reporter du Petit Vingtième », au passeport explicitement belge à l’origine, accédera à l’universalité dont il est aujourd’hui crédité à la faveur des exportations précoces de ses Aventures dans d’autres titres du réseau de la presse confessionnelle en France (Cœurs Vaillants), en Suisse (L’Écho illustré) et au Portugal (O Papagaio). Plus largement, les Aventures de Tintin, dont les versions primitives sont en cours de réédition, sont littéralement configurées en fonction de l’espace journalistique où elles se déploient : la contrainte du feuilleton y participe, mais aussi les multiples discours rédactionnels attribués à Tintin ou formulés à son propos dans les pages du Petit Vingtième entourant la bande dessinée proprement dite, ainsi que diverses formes d’interaction avec les lecteurs. Dans cette perspective, les Aventures de Tintin – principalement celles d’avant-guerre – sont conçues comme un dispositif médiatique complet imaginé par Hergé et son employeur en tirant parti des contraintes de la matrice journalistique (collectivité, rubricité, actualité, périodicité), irréductible au support de l’album et à la forme de la bande dessinée elle-même. Notre lecture actuelle de l’œuvre, largement déconnectée de cette civilisation du journal dans laquelle auteur et lecteurs baignaient, se trouve ainsi amputée de ses résonances initiales en raison d’une implicite et ultérieure resémentisation du corpus. Il faut donc, pour s’en apercevoir, déposer la lorgnette de la « logique de l’œuvre », encouragée par Hergé lui-même à la fin de sa vie, et chausser les lunettes d’une « logique médiatique ». Nourri par des recherches récentes en histoire culturelle de la presse, ce projet double de contextualisation et d’interprétation cherche à analyser les enjeux poétiques pesant sur la volonté d’inscrire thématiquement, structurellement et pragmatiquement un récit en images dans un régime journalistique. Il se différencie ainsi des différents travaux déjà menés au sujet des premières versions des Aventures de Tintin, lesquels problématisent davantage la construction progressive d’une « œuvre » personnelle que l’assimilation d’une culture médiatique polymorphe (presse quotidienne, magazines hebdomadaires, presse jeunesse). Cette rercherche se déploie ponctuellement à l’occasion d’articles qui en déclinent différentes facettes avec l’horizon, à terme, d’un ouvrage de synthèse.

Georges Rodenbach et la presse

L'édition du Rouet des brumes dans la collection Contes symbolistes (vol. 3, Grenoble, ELLUG, 2016) devrait se prolonger à travers l'édition d'une sélection de Contes inédits de l'auteur belge, parus dans la presse sans avoir été ensuite recueillis, voire jamais parus du tout. Certains sont des textes de la maturité, aussi aboutis que les contes du Rouet des brumes ; d'autres, les premiers récits destinés à La Plage de Blankenberghe, sont des historiettes d'un jeune homme encore en formation et doivent être replacées dans le cadre particulier de la presse estivale. Cette édition, qui se veut dirigée vers un public élargi d'amateurs autant que d'universitaires et qui se limitera donc à une annotation minimale, vise prioritairement à mettre à disposition des lecteurs ces textes peu connus et difficiles d'accès. Elle cherche également à interroger - par la négative - l'articulation entre parution en périodique et publication livresque : ces contes relevaient-ils d'un projet cohérent, à l'image des récits rédigés pour Le Journal qui allaient devenir le posthume Rouet des brumes ? Travailler sur ces inédits narratifs invite à se pencher, dans un second temps, sur un continent quasiment inconnu de la production de Rodenbach : ses articles de presse. Si ceux-ci ne présentent pas un intérêt littéraire majeur, ils sont représentatifs de la pratique de la chronique sous la Troisième République et permettent de questionner les transferts culturels entre la France et la Belgique. Ils aident également à compléter l'horizon culturel de Rodenbach, et donc d'affiner la compréhension de son oeuvre, dont la critique a souvent souligné l'obsédante et personnelle cohérence, dans le contexte médiatique voire mondain dans lequel leur auteur évoluait par ailleurs. Au-delà de ce corpus, il s'agit donc de jauger une présence médiatique et la place qu'occupait le romancier de Bruges-la-Morte dans le champ culturel et journalistique de son époque.

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